BILHARZIOSES

BILHARZIOSES
BILHARZIOSES

Il existe, dans le monde, plus de 400 millions de sujets hébergeant des bilharzies dans leur système circulatoire, et 200 millions d’entre eux sont atteints de troubles plus ou moins sévères. Ce phénomène est au premier plan des préoccupations actuelles de l’Organisation mondiale de la santé. Les bilharzioses (ou schistosomiases) sont des affections parasitaires dues à de petits vers du genre Schistosoma qui, infestant le système veineux, déclenchent chez l’homme des troubles urinaires, intestinaux, hépatiques et spléniques.

Ce sont des maladies des pays chauds, mais par suite des brassages actuels de population, on les rencontre de plus en plus en Europe occidentale, aussi bien chez des sujets originaires des pays d’endémie que chez les Européens y ayant vécu. Mais le climat européen s’oppose au développement de ces affections.

Les parasites

Quatre espèces de schistosomes, ou bilharzies, provoquent chez l’homme quatre maladies: Schistosoma haematobium est l’agent de la bilharziose vésicale ou urinaire, Schistosoma Mansoni , celui de la bilharziose intestinale, Schistosoma japonicum , celui de la bilharziose hépato-splénique et Schistosoma intercalatum qui provoque une bilharziose rectale.

Cette relation entre l’espèce parasitaire et la maladie n’est pas constante, car la localisation des vers adultes chez l’homme provoque les troubles pathologiques.

Les vers, des trématodes longs de 1 à 2 centimètres, gîtent en effet dans les petites veines abdominales, au niveau de différents tissus.

Les deux premières espèces paraissent s’attaquer aux seuls humains, alors que S. japonicum se rencontre aussi dans l’appareil circulatoire de nombreux mammifères. On connaît encore de très nombreuses espèces parasites d’animaux (S. bovis , etc.) qui peuvent exceptionnellement vivre chez l’homme.

Ces quatre variétés sont fort répandues dans les régions chaudes du globe, mais chacune a en quelque sorte ses zones:

– La bilharziose à S. haematobium se situe surtout sur le continent africain, où elle se rencontre partout; ailleurs, on ne lui connaît que quelques foyers dans la péninsule Ibérique et au Proche-Orient.

– La bilharziose à S. Mansoni , la plus répandue, sévit en Afrique comme la précédente mais elle s’observe aussi dans le Nouveau Monde, aux Antilles, en Amérique centrale et du Sud. C’est la seule bilharziose américaine.

– La bilharziose à S. japonicum est strictement limitée à l’Extrême-Orient.

– La bilharziose à S. intercalatum ne se rencontre, pour l’instant, qu’en Afrique intertropicale de l’Ouest.

Contamination

Le mode de contamination par ces parasites est très original. Les femelles adultes, tapies dans les fines veinules de la vessie ou de l’intestin de l’homme, pondent des œufs qui s’éliminent avec les urines et les matières fécales. Mais ces œufs ne donneront naissance à une larve, appelée miracidium , que dans une eau douce et de 20 à 25 0C de température: marigots, rizières, ruisseaux, rivières (une hygiène rigoureuse préserverait donc de la contamination).

Encore le miracidium ne vivra-t-il pas s’il ne rencontre rapidement un tout petit mollusque d’eau douce, nécessaire à son développement et spécifique pour chaque espèce: il s’agit d’un bullin pour S. haematobium , d’un planorbe pour S. Mansoni , d’un Oncomelania pour S. japonicum , et enfin d’une Physopsis pour S. intercalatum .

Pendant un mois, cette minuscule larve va évoluer chez le mollusque, puis va s’en échapper sous l’aspect d’un microscopique «têtard» à queue fourchue, la cercaire, forme ultime de l’évolution larvaire, long d’un demi-millimètre.

L’homme se contamine, non par l’absorption de l’eau polluée, mais par immersion, même très partielle, dans l’eau infestée de cercaires: au cours d’une baignade, d’une marche, les pieds nus, en terrain inondé. Les parasites traversent la peau, cheminent dans les lymphatiques et les veines jusqu’au cœur, atteignent les poumons puis la glande hépatique et deviennent adultes en deux mois environ.

Après accouplement, les femelles fécondées se séparent du mâle et vont s’établir pour des années dans leurs réseaux veineux de prédilection, vésical pour S. haematobium , intestinal et hépato-splénique pour les trois autres (mais cette localisation n’est pas toujours identique). Les femelles pondent d’innombrables œufs, qui finiront par tomber dans la vessie ou l’intestin de l’hôte, prêts à contaminer à nouveau les eaux douces.

Ce cycle évolutif du parasite, identique pour les quatre espèces, permet de comprendre que les enfants soient particulièrement vulnérables, lors des jeux et baignades dans les ruisseaux ou rivières, ainsi que les personnes qui doivent travailler au contact de l’eau (cultivateurs, bateliers).

Il n’y a pas de bilharziose sans un contact hydrique et la maladie ne peut prendre naissance que là où vivent les mollusques vecteurs.

La mise en valeur des régions tropicales a favorisé l’extension des bilharzioses, qui apparaissent maintenant comme des maladies de civilisation: des travaux d’irrigation (barrages, canaux) entraînent l’immigration de travailleurs qui propagent leurs parasites.

Clinique

Les manifestations pathologiques sont engendrées essentiellement par les œufs dont la présence déclenche une irritation locale. Chacun d’eux constitue un foyer inflammatoire. S’ensuivent ulcération, destruction tissulaire, fibrose ou rétraction cicatricielle source de complications. Ces œufs sont innombrables.

Le pouvoir pathogène des Schistosoma demande cependant à être interprété. Dans bien des cas, on assiste à une sorte de tolérance ou de compromis entre le parasite et son hôte, sans qu’on puisse parler d’immunité véritable. Le diagnostic et le traitement de ces troubles doivent tenir compte de la malnutrition ainsi que des diverses parasitoses fréquentes sous les tropiques.

Le passage transcutané des cercaires n’est souvent pas perçu ou se signale par quelques démangeaisons locales. Lors du développement des parasites, on peut s’attendre à des poussées fébriles, accompagnées de douleurs et de troubles divers, qui finissent par s’apaiser. Enfin des mois ou des années après infection apparaîtront les formes viscérales de la maladie:

– La bilharziose urinaire se traduit par l’émission répétée d’urines sanglantes, les hématuries. Dans certaines régions, ces hématuries sont si fréquentes que leur absence est considérée comme une disgrâce: chez le jeune garçon, elles sont tenues pour un signe de virilité, chez la fillette pour une assurance de fécondité. L’hématurie sera longtemps la seule traduction clinique de la maladie et celle-ci peut ne plus évoluer. Le danger viendra d’une infection urinaire chronique ou de rétrécissements de l’arbre urinaire, qui retentiront sur les reins, provoquant insuffisance rénale et urémie.

– Dans la bilharziose intestinale , les désordres pathologiques sont souvent plus complexes. Des troubles digestifs, variés, des débâcles diarrhéiques s’associent très souvent à une augmentation de volume du foie et de la rate, qui peuvent devenir très gros, accompagnée d’une sclérose de la paroi intestinale dite en «tuyau de pipe» et d’une évolution vers la cirrhose. De redoutables hémorragies digestives sont alors à craindre.

– La bilharziose rectale présente des manifestations recto-sigmoïdiennes très accusées. C’est une affection douloureuse, invalidante, mais qui donne moins de complications hépatiques ou spléniques que la bilharziose à S. Mansoni .

– La bilharziose hépato-splénique entraîne, elle aussi, l’apparition de cirrhoses souvent dangereuses.

Cette distinction entre les quatre bilharzioses est un peu trop schématique. En pratique, si les bilharzioses urinaires sont bien toutes dues à S. haematobium , on peut rencontrer toutes les variétés de schistosomes dans les localisations intestinales et hépato-spléniques.

Enfin la maladie peut revêtir d’autres formes: pulmonaires, cardiaques, génitales, sans parler d’un risque – contesté – de cancérisation des organes atteints.

Thérapeutique et prophylaxie

En face de troubles aussi divers, la mise en évidence des œufs dans les urines ou les selles, voire dans le foie, par ponction-biopsie, donnera au diagnostic sa certitude. Des réactions sérologiques de plus en plus complexes sont aussi utilisées.

La thérapeutique a fait longtemps appel aux dérivés de l’antimoine et du thioxanthone, mais un nouveau dérivé nitrothiazolé a fait naître de grands espoirs. La thérapeutique de la bilharziose urinaire demeure actuellement le nitrothiazole. On dispose de trois médicaments efficaces et sûrs pouvant être administrés par voie orale. Le praziquantel, mis au point grâce à une collaboration entre l’O.M.S. et le fabricant, dont les tests d’innocuité sont satisfaisants. L’oxamniquine est utilisée pour le traitement de la bilharziose intestinale en Afrique et en Amérique du Sud. Le métrifonate, conçu d’abord comme un insecticide, s’est révélé efficace pour le traitement de la bilharziose urinaire.

La prophylaxie est très difficile. Éviter la pollution hydrique, et aussi tout contact avec une eau infestée, suppose une longue éducation et des mesures d’hygiène qui se heurtent aux habitudes ancestrales comme aux impératifs de la vie quotidienne. Traiter des millions et des millions de sujets, sans cesse réinfestés, représente une immense entreprise. Les médicaments qui viennent d’être évoqués bloquent la ponte des vers, au moins pendant quelques mois. Pendant ce laps de temps, ils rendent les porteurs traités non contaminants pour le milieu naturel et aident ainsi beaucoup à l’assainissement du réseau hydrographique.

À cette chimioprophylaxie s’ajoute la destruction des mollusques vecteurs par le désherbage des gîtes, la suppression des collections d’eau inutiles et l’aménagement de celles qui sont indispensables. Des poisons de synthèse à action molluscocide sont également utilisés, mais il faut savoir qu’ils sont aussi souvent toxiques pour les autres animaux aquatiques qui partagent le même gîte que les mollusques vecteurs. Ils ne sont qu’un pis-aller en attendant la mise au point d’autres méthodes. Parmi celles-ci, l’introduction d’animaux prédateurs, de germes pathogènes (virus, bactéries, champignons), de parasites détruisant les glandes génitales des mollusques et donc les rendant stériles constituent des méthodes de lutte biologique de grand avenir.

On mesure sans peine toute la complexité du problème. Aussi le destin des bilharzioses, favorisées par l’irrigation de nouvelles terres, reste-t-il toujours préoccupant.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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